Le 4 janvier 1917

 

Seigneur, Tu me combles de tout Tes bienfaits. Maintenant que cet être n'attend plus rien, ne désire plus rien de la vie, la vie lui apporte ses trésors les plus précieux, ceux que tous les hommes convoitent. Dans tous les domaines individuels, Tu me combles de Tes bienfaits, mentalement, psychiquement, et même matériellement. Tu m'as placée dans l'abondance, et l'abondance me paraît aussi naturelle que la disette, et ne me cause pas une plus grande joie, car souvent, dans la disette, la vie spirituelle fut pour moi plus intense et consciente; mais je perçois fort bien cette abondance, et mon être individuel, que Tu combles ainsi de bienfaits, se prosterne devant Toi avec une inexprimable gratitude.

 

Ta bonté est sans pareille et Ta miséricorde infinie.

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Le 5 janvier 1917

 

L'amour n'est rien autre que le lien qui réunit et maintient ensemble toutes les fleurs de Ton divin bouquet. C'est un rôle effacé, modeste, méconnu, un rôle essentiellement impersonnel, et qui, seulement dans cette impersonnalité, peut trouver toute son utilité.

 

C'est parce que, de plus en plus, je deviens ce lien, ce trait d'union, rassemblant les fragments épars de Ta conscience, et permettant à ces fragments, en les groupant, de reconstituer de mieux en mieux Ta conscience, unique et multiple à la fois, qu'il m'a été possible de voir clairement ce qu'est l'amour dans le jeu des forces universelles, quelle est sa place et sa mission; il n'est point une fin en lui-même, mais il est Ton suprême moyen. Actif, partout, entre tout, partout il est voilé par cela même qu'il unit, et qui, subissant son effet, parfois ignore même sa présence.

 

ô Seigneur, Ta douceur est entrée dans mon âme, et Tu as rempli tout mon être de joie.

 

Et dans cette joie je T'ai fait une prière, afin qu'elle parvienne jusqu'à Toi.

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Le 6 janvier 1917

 

Tu as rempli mon être d'une paix ineffable et d'un repos sans pareil ... Sans pensée ni volonté personnelles, je me laisse bercer passivement par Ton infini.

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Le 8 janvier 1917

 

Tu as fait le silence dans mon cœur et ma tête; mais aucune voix ne s'est élevée des profondeurs de ce silence. Seule la paix a régné en hôte doux et bienfaisant.

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Le 10 janvier 1917

 

Veux-Tu donc m'apprendre que tout effort qui aurait mon propre être pour but serait mutile et vain? Seule l'action ayant le rayonnement de Ta Grâce pour mobile s'accomplit avec facilité et succès. Quand la volonté s'exerce dans l'extériorisation, elle est puissante et efficace; quand elle tente de s'exercer dans l'intériorisation, elle est sans force et sans effet ... Ainsi toute action " entreprise pour le progrès personnel devient de plus en plus infructueuse, et par suite de plus en plus rare. En raison contraire, l'action au dehors semble gagner en effectivité tout ce que celle au dedans a perdu. Ainsi, Seigneur, Tu prends l'instrument tel qu'il est, et s'il doit s'affiner, ce sera à l'ouvrage.

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Le 14 janvier 1917

 

"Que les malheureux deviennent heureux, que les méchants deviennent bons, que les malades deviennent bien portants!" Ainsi s'est formulée en moi l'aspiration concernant la manifestation de Ton divin Amour à travers cet instrument. Ce fut comme une demande, une demande que l'enfant fait à son père avec la certitude qu'elle lui sera accordée. Car la certitude était en moi lorsque j'ai demandé : cela m'a paru si simple et si facile; je sentais si bien en moi comment cela est possible. Croître de joie en joie, de beauté en beauté, n'est-ce point plus naturel et plus productif aussi, que de toujours souffrir et peiner dans une lutte ignorante et subie à contrel cœur? Si Tu permets au cœur de s'épanouir librement au contact de Ton divin Amour, cette transformation est facile et se fait d'elle-même.

 

Ne permettras-Tu pas cela. Seigneur, comme un gage de Ta miséricorde?

 

C'est avec la confiance d'un enfant que mon cœur T'implore ce soir.

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Le 19 janvier 1917

 

Et les heures s'évanouissent comme des rêves invécus ...

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Le 23 janvier 1917

 

Tu as rempli mon être d'un amour, d'une beauté et d'une joie si complets et si intenses, qu'il m'a paru impossible que cela ne se communiquât pas. C'était comme un foyer ardent, d'où le souffle de la pensée emportait au loin des flammèches, qui, dans le secret des cœurs, allaient allumer d'autres incendies tout pareils, les incendies de Ton divin Amour, Seigneur, de cet Amour qui pousse et entraîne irrésistiblement les êtres humains vers Toi. ô mon doux Seigneur, fais que cela ne soit pas seulement une vision de ma conscience extasiée, mais bien une réalité effectivement transformatrice des êtres et des choses !

 

Fais que cet amour, cette beauté et cette joie qui inondent tout mon être à peine assez fort pour supporter leur intensité, inondent pareillement la conscience de tous ceux que j'ai vus, de tous ceux à qui j'ai pensé, et de tous ceux aussi à qui je n'ai point pensé et que je n'ai point vus ... Fais que tous s'éveillent à la conscience de Ta Félicité infinie !

 

ô mon doux Seigneur, remplis leur cœur de joie, d'amour et de beauté.

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Le 25 janvier 1917

 

Ô Amour rayonnant qui emplis et mets en fête tout mon être, es-Tu reçu, es-Tu donné? Nul ne peut dire, car Tu Te reçois et Tu Te donnes à Toi-même, étant souverainement actif et réceptif, à la fois en toute chose, en tout être.

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Le 29 janvier 1917

 

Dans le inonde des formes un manquement à la Beauté est une faute aussi grande qu'un manquement à la Vérité dans le monde des idées. Car la Beauté est le culte que la Nature rend au Maître suprême de l'univers; la Beauté est le langage divin dans la forme. Et une conscience du Divin qui ne se traduirait pas extérieurement par une compréhension et une expression de la Beauté serait une conscience incomplète.

 

Mais la vraie Beauté est aussi difficile à découvrir, à comprendre et surtout à vivre qu'aucune autre expression du Divin; cette découverte et cette expression exigent autant d'impersonnalité et d'abdication de l'égoïsme que celles de la Vérité ou de la Félicité. La Beauté pure est universelle et il faut être universel pour la voir et la reconnaître.

 

Ô Seigneur de Beauté, que de fautes j'ai commises contre Toi; que de fautes je commets encore ... Donne-moi la parfaite compréhension de Ta Loi afin que je n'y faillisse plus. L'amour serait incomplet sans Toi, Tu es un de ses plus parfaits ornements, Tu es un de ses plus harmonieux sourires. Parfois j'ai méconnu Ton rôle, mais au fond de mon cœur je T'ai toujours aimé; et les plus arbitraires, les plus radicales doctrines n'ont pu éteindre le feu du culte que, dès mon enfance, je T'avais voué.

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Tu n'es point ce qu'un vain peuple Te pense, Tu n'es point attaché exclusivement à telle ou telle forme de la vie : il est possible de T'éveiller, de Te faire resplendir en toute forme; mais il faut pour cela avoir découvert Ton secret ...

 

Ô Seigneur de Beauté, donne-moi la parfaite compréhension de Ta Loi, afin que je n'y faillisse plus, afin que Tu deviennes en moi l'harmonieux  couronnement du Seigneur de l'Amour.

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Le 27 mars 1917

 

(Communication dialoguée reçue pendant la méditation)

 

"Voici : tu vois la forme vivante et les trois images inanimées. La vivante est revêtue de violet; les trois autres sont faites de poussière, mais blanchie et purifiée. C'est dans le calme du silence que la forme vivante peut, en pénétrant les trois autres, les unir pour les transformer en un vêtement vivant et agissant."

 

 

Ô Seigneur, Tu sais que je Te suis soumise, et que mon être adhère avec une joie paisible et profonde à tout ce que Tu lui donnes!

 

 

"Je sais ton adhésion, mais je veux augmenter ta conscience, et pour cela éveiller ce qui dort encore en toi. Ouvre tes yeux à la lumière, et, dans le miroir limpide du mental, se réfléchira ce que tu dois savoir."

 

 

Seigneur, tout est silencieux en mon être et attend ...

 

* *

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"Cogne à la porte de la conscience et la porte te sera ouverte."

 

* *

 

La rivière coule limpide et argentine; son flot ininterrompu descend du ciel vers la terre. Mais que veux-Tu me dire que je doive comprendre?

 

* *

 

"Ton silence n'est point encore assez profond : quelque chose remue dans ton esprit ...

 

"Le feu de l'âme doit se voir à travers les voiles de la manifestation; mais ces voiles doivent être nets et précis comme des mots tracés sur un écran lumineux. Et tout cela doit être conservé dans la pureté de ton cœur, comme la prairie ensemencée est ensevelie et protégée sous la neige.

 

"Maintenant que tu as semé les grains dans le champ, que tu as tracé les signes sur l'écran, tu peux retourner dans ton calme silence, tu peux remonter dans ta calme retraite pour te retremper dans la conscience plus profonde et plus vraie. Tu peux oublier ta personnalité et retrouver le charme de l'universel.

 

"Que la paix soit sur toi en ces heures de repos; mais n'oublie pas le réveil qui sonnera bientôt.

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"Tu souriras pourtant à ton destin qui parle.

"Ton cœur utilisera la force qui revient.

"Tu seras le bûcheron qui attache le fagot.

 

"Tu seras le grand cygne aux ailes éployées, qui purifie les yeux par sa blancheur nacrée, qui réchauffe les cœurs de son blanc duvet.

 

"Tu les conduiras tous vers leur destin suprême.

 

"Tu as vu le foyer, et tu as vu l'enfant. L'un attirait l'autre : tous deux étaient contents; l'un parce qu'il brûlait, l'autre parce qu'il avait chaud.

 

"Tu le vois dans ton cœur ce foyer triomphant; toi seule peux le porter sans qu'il soit destructeur. Si les autres y touchaient, ils seraient consumés. Ne les laisse donc point trop près s'en approcher. L'enfant doit savoir qu'il ne doit pas toucher à la flamme éclatante qui l'attire tant. De loin elle le réchauffe et illumine son cœur; de trop près, en cendres elle le réduirait.

 

"Un seul dans ce cœur peut sans crainte résider; car il est le rayon qui l'a bien allume. Il est la salamandre qui dans le feu renaît.

 

"Un autre est au-dessus, ne craignant nulle brûlure : c'est le phénix immaculé, l'oiseau venu du ciel, qui sait y retourner.

 

"L'un est le Pouvoir de réalisation.

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"L'autre est la Lumière. "Et le troisième la Conscience souveraine."

 

* *

 

ô Seigneur, je T'écoute et je suis prosternée : Tu m'as ouvert la porte; Tu m'as ouvert les yeux, et un peu de la nuit a été éclairée ...

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Le 30 mars 1917

 

Il y a une royauté souveraine à ne point s'occuper de soi. Avoir des besoins, c'est affirmer sa faiblesse; réclamer quelque chose prouve que l'on manque de cette chose. Désirer, c'est être impuissant, c'est reconnaître ses limites, avouer son incapacité à les surmonter.

 

Sans autre point de vue que celui d'une légitime fierté, l'homme, par noblesse, devrait renoncer à tout désir. Quelle humiliation de demander quelque chose pour soi-même à la Vie et à la Conscience Suprême qui l'anime. Quelle humiliation pour nous, quelle offensante ignorance pour Elle. Car tout est à notre portée et seules les limites égoïstes de notre être nous empêchent de jouir de tout l'univers, aussi complètement et concrètement que de notre propre corps et de son entourage immédiat.

 

Telle devrait être aussi l'attitude vis-à-vis des moyens d'action.

 

Toi qui résides dans mon cœur et diriges tout par Ta suprême Volonté, Tu m'as dit, il y a un an, de couper tous les ponts et de me jeter tête baissée dans l'Inconnu, comme César lorsqu'il franchit le Rubicon : c'était le Capitole ou la Roche Tarpéienne.

 

Tu celas à mes yeux le résultat de l'acte. Encore maintenant Tu le maintiens secret; et

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pourtant Tu sais que mon égalité d'âme reste la même devant la grandeur ou bien la misère.

 

Tu voulus que pour moi l'avenir fût incertain, et que j'avance avec confiance sans même savoir où mènera la route.

 

Tu voulus que je m'en remette entièrement à Toi du soin de mon destin et que j'abdique totalement toute préoccupation personnelle.

 

C'est sans doute que mon chemin doit être vierge même pour ma pensée.

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Le 31 mars 1917

 

Chaque fois qu'un cœur tressaille à Ton souffle divin un peu plus de beauté semble née sur la terre, l'air s'embaume d'un doux parfum, tout devient plus amical.

 

Quelle puissance est la Tienne, ô Seigneur de tout être, qu'un atome de Ta joie suffise à effacer tant d'ombres et de douleurs, qu'un rayon de Ta gloire puisse ainsi éclairer le caillou le plus terne, la conscience la plus noire.

 

Tu m'as comblée de Tes faveurs, Tu m'as dévoilé bien des secrets, Tu m'as fait goûter bien des joies inattendues, inespérées, mais aucune de Tes grâces ne peut égaler celle que Tu m'octroies quand un cœur tressaille à Ton souffle divin ...

 

A ces heures bénies la terre tout entière chante un hymne d'allégresse, l'herbe frissonne de plaisir, l'air vibre de lumière, les arbres dressent vers le ciel leur prière plus ardente, le chant des oiseaux devient un cantique, les vagues de la mer se gonflent d'amour, le sourire des enfants raconte l'infini, les âmes des hommes apparaissent dans leurs yeux.

 

Dis-moi : m'accorderas-Tu le pouvoir merveilleux de faire naître cette aurore dans les cœurs attentifs, d'éveiller les consciences à Ta sublime Présence, dans ce monde si triste et si démantelé de susciter un peu de Ton vrai Paradis?

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Quels bonheurs, quelles richesses, quelles puissances  terrestres peuvent égaler ce don souverain? ... 

 

O Seigneur, jamais en vain je ne T'ai implore, car c'est Toi-même en moi qui Te parles à Toi- même ...

 

Goutte à goutte Tu laisses tomber en une pluie  fécondante la flamme vivante et rédemptrice de î Ton amour tout-puissant. Lorsque ces gouttes de lumière éternelle tombent doucement sur notre monde d'obscure ignorance, on dirait qu'une à une pleuvent sur la terre les étoiles dorées du  sombre firmament.

 

Et tout s'agenouille en muette dévotion devant  ce miracle toujours renouvelé.

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Le 1er avril 1917

 

Tu montras à mon âme muette et attentive toute la splendeur des paysages féeriques : les arbres en fête et les sentiers déserts qui semblent escalader le ciel.

 

Mais de mon destin Tu ne m'as pas parlé. Faut-il qu'à ce point il me soit voilé?...

 

Encore et partout je vois des cerisiers; Tu as mis dans ces fleurs une vertu magique : elles semblent parler de Ta Présence unique; elles apportent avec elles le sourire du Divin.

 

Mon corps est au repos et mon âme s'épanouit : quel charme as-Tu mis en ces arbres fleuris?

 

ô Japon, c'est ta parure de bonne volonté en fête, c'est ton offrande la plus pure, c'est le gage de ta fidélité; c'est ta manière de dire que tu reflètes le ciel.

 

Et maintenant voici un pays magnifique, de hautes montagnes couvertes de pins et des vallées toutes cultivées. Et les petites rosés rosés qu'apporte ce Chinois, sont-elles une promesse pour î l'avenir proche?

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Le 7 avril 1917

 

Une grande concentration s'est emparée de moi et je me suis aperçue que je m'identifiais avec une fleur de cerisier; puis à travers cette fleur avec toutes les fleurs de cerisier; puis descendant plus profondément dans la conscience, en suivant un courant de force bleutée, je devins tout à coup le cerisier lui-même, dressant vers le ciel, comme autant de bras, ses innombrables branches chargées dé leur offrande fleurie. J'entendis alors distinctement la phrase suivante :

 

"Ainsi tu t'es unie à l'âme des cerisiers et tu as pu de la sorte constater que c'est le Divin qui fait au ciel l'offrande de cette prière de fleurs."

 

Lorsque je l'eus écrit, tout s'effaça; mais maintenant le sang du cerisier coule dans mes veines, et avec lui une paix et une force incomparables; quelle différence y a-t-il entre le corps humain et le corps d'un arbre? Aucune vraiment, et la conscience qui les anime est bien identiquement la même.

 

Puis le cerisier m'a glissé à l'oreille :

 

"C'est dans la fleur de cerisier qu'est le remède des maladies de printemps."

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Le 9 avril 1917

 

Une fois qu'on a franchi le seuil du royaume de Ta Toute-Connaissance, chaque fois que l'on revient vers le monde mental, toute pensée qu'on y a paraît un problème merveilleux et insondable auquel on n'avait jamais pensé auparavant.

 

Au-dessus aucune question ne se pose ; dans le I calme silence tout est su de toute éternité. En t dessous tout est nouveau, inconnu, inattendu.

 

Et les deux réunis dans une conscience unique donnent un émerveillement confiant, générateur de Paix, de Lumière et de Joie.

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Le 10 avril 1917

 

Mon cœur s'est endormi jusqu'au tréfonds de l'être...

 

Toute la terre se meut et s'agite en un perpétuel changement; toute vie jouit et souffre, fait effort, lutte, conquiert, se détruit et se reforme.

 

Mon cœur s'est endormi jusqu'au tréfonds de l'être...

 

Dans tous ces éléments innombrables et variés je suis la Volonté qui met en mouvement, la Pensée qui agit, la Force qui réalise, la Matière qui est mue.

 

Mon cœur s'est endormi jusqu'au tréfonds de l'être ... 

 

Plus de limites personnelles, plus d'action individuelle, plus de concentration séparatiste créant  le conflit, plus qu'une seule infinie Unité. »

 

Mon cœur s'est endormi jusqu'au tréfonds de l'être...

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Le 28 avril 1917

 

Ô mon divin Maître, Toi qui m'es apparu ce soir dans toute Ta rayonnante splendeur, Tu peux en un instant rendre cet être-ci parfaitement pur, lumineux, translucide, conscient, Tu peux le libérer de ses dernières taches d'ombre, Tu peux le délivrer de ses dernières préférences, Tu peux ... mais ne l'as-Tu point fait ce soir, lorsque Tu le pénétras de Tes effluves divins et de Ton inexprimable clarté? Peut-être ... car en moi est une Force surhumaine toute faite de calme et d'immensité. Permets que de cette cime je ne retombe point et que toujours la Paix règne en maître dans mon être; non pas seulement dans les profondeurs dont elle est souveraine depuis fort longtemps, mais dans les moindres activités dû dehors, dans les moindres replis du cœur et de l'action.

 

Je Te salue, Seigneur, Libérateur des êtres!

 

"Tenez voici des fleurs et des bénédictions; voici les sourires de l'amour divin; il est sans préférence et sans répulsion... Il s'écoule vers tous ; en un flot généreux, et ne reprend jamais ses dons 1 merveilleux."

 

Et les bras étendus en un geste d'extase, la  Mère éternelle déverse sur le monde la rosée incessante de son plus pur amour ... 

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Akakura. Le 13 juillet 1917

 

Un jour j'écrivis :

 

"Mon cœur s'est endormi jusqu'au tréfonds de l'être ..." Endormi seulement? Je ne puis le croire. Je pense qu'il s'est apaisé, peut-être pour toujours. Du sommeil on se réveille, de l'apaisement on ne retombe pas. Et depuis ce jour-là je n'eus à constater aucune rechute. À la place de quelque chose de très intensément concentré et qui fut longtemps tumultueux par intermittences, une immensité tellement vaste et calme et sans trouble est venue remplir l'être; ou plutôt l'être s'est fondu en cela; car comment ce qui est sans limite, pourrait-il être contenu dans une forme?

 

Et ces grandes montagnes aux lignes sereines que je vois de ma fenêtre s'échelonnant majestueusement jusqu'à l'horizon, sont en parfaite harmonie avec le rythme de cet être que remplit une paix infinie. Seigneur, aurais-Tu pris possession du royaume? Ou plutôt de cette partie du royaume, car le. corps est encore obscur et ignorant, lent à répondre, sans plasticité. Sera-t-il un jour purifié comme le reste? Et Ta victoire sera- t-elle alors totale? Peu importe. Cet instrument est ce que Tu le veux et sa félicité est sans mélange.

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Tokio. Le 24 septembre 1917

 

Tu m'as soumise à une dure discipline; degré après degré, j'ai gravi l'échelle qui mène jusqu'à Toi; et, au sommet de l'ascension. Tu m'as fait goûter les joies parfaites de l'Identification. Puis, obéissant à Ton ordre, degré après degré, je suis redescendue vers les activités et les consciences extérieures, rentrant en contact avec ces mondes que j'avais quittés pour Te découvrir. Et maintenant que je suis redescendue jusqu'en bas de l'échelle, tout est si terne, si médiocre, si neutre, en moi et autour de moi, que je ne comprends plus ...

 

Qu'attends-Tu donc de moi; et à quoi servait cette lente et longue préparation, si c'est pour aboutir à un résultat que la majorité des êtres humains atteignent sans avoir été soumis à aucune discipline?

 

Comment se peut-il, qu'après avoir vu tout ce que j'ai vu, expérimenté tout ce que j'ai expérimenté, après avoir été menée jusqu'au sanctuaire le plus sacré de Ta Connaissance et de Ta Communion, Tu fasses de moi un instrument aussi complètement banal dans des circonstances aussi ordinaires? Vraiment, Seigneur, Tes fins sont insondables et dépassent mon entendement ...

 

Pourquoi aussi, alors que Tu as déposé dans mon cœur le pur diamant de Ta parfaite Félicité,

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permets-Tu à la surface de refléter les ombres qui viennent du dehors, et ainsi de laisser insoupçonné et il semble, inefficace, le trésor de Paix que Tu m'as octroyé? En vérité tout cela est bien mystérieux et confond ma compréhension.

 

Pourquoi, m'ayant donné ce grand silence intérieur, permets-Tu à la langue de tant s'exercer et à la pensée de s'occuper de si futiles choses? Pourquoi? ... Je pourrais indéfiniment questionner, et probablement toujours en vain.

 

Je n'ai qu'à m'incliner devant Ton décret et à accepter sans mot dire ma condition.

 

Je ne suis plus qu'un spectateur regardant le dragon du monde dérouler ses anneaux sans fin.

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(Quelques jours après)

 

Seigneur, que de fois, faiblissant devant Ton ordre, je T'ai prié : "Épargne-moi ce calvaire de la conscience terrestre; laisse-moi m'immerger dans Ta suprême unité." Mais ma prière est lâche, je lé sais, car elle demeure stérile.

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Le 15 octobre 1917

 

J'ai crié vers Toi, Seigneur, dans mon désespoir et Tu as répondu à mon appel.

 

J'aurais tort de me plaindre des circonstances de mon existence, ne sont-elles point conformes à ce que je suis?

 

Parce que Tu m'as menée jusqu'au seuil de Ta splendeur et que Tu m'as fait jouir de Ton harmonie, je pensais avoir atteint le but; mais à vrai dire Tu as regardé l'instrument dans la pleine clarté de Ta Lumière et Tu l'as replongé dans le creuset du monde, afin qu'il soif à nouveau refondu et purifié.

 

À ces heures d'extrême et angoissée aspiration, je me sens, je me vois entraînée par Toi avec une rapidité vertigineuse sur le chemin de la Transformation et tout l'être vibre du conscient contact avec l'Infini.

 

C'est ainsi que Tu me donnes la patience et la force afin de surmonter la nouvelle épreuve.

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Le 25 novembre 1917

 

ô Seigneur, à une heure de cruelle détresse, parce que dans la sincérité de ma foi j'ai dit : "Que Ta volonté soit faite", Tu es venu revêtu de Ta gloire. À Tes pieds alors je me suis prosternée, puis sur Ton sein j'ai trouvé abri. Tu as rempli mon être de Ta divine clarté et Tu l'as inondé de Ta félicité. Tu m'as réaffirmé Ton alliance et m'as assuré de Ta constante Présence. Tu es l'ami sûr qui ne faillit point, le Pouvoir, le Soutien et le Guide. Tu es la Lumière qui dissipe les ténèbres et le Conquérant qui assure la victoire. Depuis que Tu es là, tout s'est clarifié; dans mon cœur affermi, Agni s'est rallumé; et sa splendeur rayonne embrasant l'atmosphère en la purifiant...

 

Mon amour pour Toi, si longtemps comprimé, a jailli de nouveau, puissant, irrésistible, souverainement décuplé par l'épreuve subie. Il a trouvé la force dans la réclusion, la force d'émerger à la surface de l'être, de s'imposer en maître à la conscience entière, d'engloutir toute chose en son flot débordant...

 

Tu m'as dit : "Je reviens pour ne plus te quitter."

 

Et le front sur le sol, j'ai reçu Ta promesse.

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